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Vaccination contre la COVID-19
Vaccination et obligations respectives des médecins du travail, des services de santé au travail et des entreprises, les positions de la branche.
Depuis le 25 février 2021, les professionnels de santé au travail peuvent vacciner contre la Covid-19 les salariés volontaires, âgés de 50 à 64 ans et atteints de comorbidités. Ces vaccinations, organisées au sein des services de santé au travail, s’inscrivent dans le cadre de l’ordonnance du 2 décembre 2020.
À la suite des recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) relatives à l’administration du vaccin AstraZeneca aux personnes âgées de 50 à 65 ans, un « protocole pour la vaccination par les médecins du travail au moyen du vaccin AstraZeneca », en date du 16 février 2021, a été transmis par l’Inspection médicale du Travail (Direction générale du travail du ministère du Travail) aux médecins du travail. Ce protocole détaille la nouvelle phase de stratégie vaccinale, revient sur les particularités des services de santé au travail et précise les modalités de réalisation (préparation et modalités d’injection, calendrier, traçabilité…).
Toutefois, de nombreuses questions restent encore en suspens et méritent donc d’être abordées.
I. Obligations respectives des médecins, des services de santé au travail et des entreprises
A. Obligation des médecins du travail de participer à la campagne de vaccination
L’article L. 3111-1 du Code de la santé publique prévoit que « La politique de vaccination est élaborée par le ministre chargé de la santé qui fixe les conditions d’immunisation, énonce les recommandations nécessaires et rend public le calendrier des vaccinations après avis de la Haute Autorité de santé. (…). Dans le cadre de leurs missions, les médecins du travail, les médecins des infirmeries des établissements publics (…) participent à la mise en œuvre de la politique vaccinale. »
Il s’agit donc, en droit, d’une obligation. Pour autant, le protocole n’évoque que des médecins « volontaires ». Il n’y a pas de « réquisition » des médecins du travail à proprement parlé.
B. Obligation des services de santé au travail interentreprises et des services de santé au travail autonomes
L’article 1 de l’ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020, adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire, prévoit que : « Dans le cadre de leurs missions et prérogatives définies au titre II du livre VI de la quatrième partie du Code du travail et à la section 1 du chapitre VII du titre Ier du livre VII du Code rural et de la pêche maritime, les services de santé au travail participent à la lutte contre la propagation de la Covid-19, notamment par :
1° La diffusion, à l’attention des employeurs et des salariés, de messages de prévention contre le risque de contagion ;
2° L’appui aux entreprises dans la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention adéquates contre ce risque et dans l’adaptation de leur organisation de travail aux effets de la crise sanitaire ;
3° La participation aux actions de dépistage et de vaccination définies par l’Etat. »
À noter qu’aucun décret n’est venu préciser les modalités réglementaires de cette participation prévue par l’ordonnance précitée.
Quant au protocole sur la vaccination du 16 février dernier, il énonce, dans la nouvelle phase de stratégie vaccinale, que « Les autorités sanitaires ont décidé d’ouvrir cette possibilité aux médecins du travail, qui pourront vacciner des salariés volontaires des entreprises adhérentes qui font partie de la cible précitée. »
L’ordonnance prévoit une obligation pour les services de santé au travail de participer aux actions de vaccination (sans distinction entre les services de santé au travail interentreprises et les services de santé au travail autonomes).
Le protocole indique, quant à lui, qu’il s’agit d’une possibilité laissée aux médecins du travail de vacciner les salariés volontaires des entreprises adhérentes (c’est à dire celles qui adhèrent à un service de santé au travail interentreprises).
À notre sens, ce protocole s’adresse d’abord aux médecins du travail (et aux services de santé au travail), et indirectement, par leur intermédiaire, aux entreprises. Or, les médecins du travail n’exercent pas leur activité dans un cadre libéral, mais dans celui d’un contrat de travail. Même si les entreprises n’assument pas la responsabilité des actes de vaccinations, elles sont néanmoins concernées. On notera en effet que le protocole se focalise sur les médecins du travail des services de santé au travail interentreprises car il mentionne explicitement les entreprises « adhérentes » au point 2 b) précité.
Aucune mention n’est en revanche clairement indiquée pour les médecins du travail des services de santé au travail autonomes. Toutefois, le protocole n’exclut pas les services de santé au travail autonomes qui sont visés par l’ordonnance du 2 décembre 2020, au même titre que les services de santé au travail interentreprises.
C. Obligation des entreprises
1. Obligation des entreprises relevant du régime spécial du risque biologique
L’article R. 4426-6 du Code du travail prévoit que « L’évaluation des risques permet d’identifier les travailleurs pour lesquels des mesures spéciales de protection peuvent être nécessaires. Sans préjudice des vaccinations prévues aux articles L. 3111-4 et L. 3112-1 du Code de la santé publique, l’employeur recommande, s’il y a lieu et sur proposition du médecin du travail, aux travailleurs non immunisés contre les agents biologiques pathogènes auxquels ils sont ou peuvent être exposés de réaliser, à sa charge, les vaccinations appropriées ».
Cette disposition ne concerne que les entreprises soumises aux dispositions spéciales relatives au risque biologique, c’est-à-dire les entreprises dont le risque biologique fait partie du cœur de métier (par exemple, les laboratoires médicaux). Elle ne vise donc que les employeurs concernés par cette réglementation et les médecins qui assurent le suivi de santé au travail de leurs salariés (quelle que soit la forme du service où ils travaillent).
Le régime juridique particulier des entreprises dont le risque biologique est inhérent à l’activité professionnelle (puisqu’il fait partie du « cœur de métier ») n’est pas applicable au risque pandémique. Ces dispositions particulières sont totalement inadaptées au risque pandémique et seraient absurdes voire dangereuses si elles l’étaient. Le ministère du Travail a préparé un projet de décret articulant les obligations des entreprises « ordinaires », hors « risque biologique » avec cette réglementation spéciale.
2. Obligation des entreprises dotées d’un service de santé au travail autonome
Les services de santé au travail autonomes n’ayant pas de personnalité juridique, c’est l’entreprise qui assume l’obligation des services de santé au travail de participer à la politique vaccinale. Toutefois, il est important de souligner que la vaccination contre la Covid-19 ne s’inscrit pas dans le cadre d’une démarche volontaire de l’employeur (comme pour la grippe), mais dans le contexte de la stratégie vaccinale de l’État en période d’urgence sanitaire. Le médecin du travail reçoit ses instructions directement de l’État, comme l’illustre bien ce protocole qui leur a été adressé directement. Toutefois les employeurs, en tant que responsables du cadre matériel et organisationnel de l’activité du médecin, ont également un droit de regard sur cette opération.
II. Initiatives volontaires des entreprises
A. Campagne vaccinale décidée par l’entreprise
Il convient de distinguer les initiatives volontaires des entreprises qui se lancent dans des « campagnes vaccinales » et le simple relais d’information que peut faire l’employeur à destination des salariés.
S’agissant d’une initiative volontaire d’une entreprise adhérente à un service interentreprises d’organiser une campagne de vaccination dans ses locaux, c’est l’entreprise qui assumera la responsabilité de l’opération. Le protocole déconseille de vacciner les salariés dans les locaux de l’entreprise pour préserver le secret médical concernant leur « comorbidité ». (Point 2.b du protocole). Il ne s’agit toutefois pas d’une interdiction, stricto sensu. Le protocole n’ayant pas, non plus, la portée d’une disposition juridique contraignante pour les entreprises.
Le protocole ajoute que « Au vu des deux points précédents, il paraît préférable d’envisager la vaccination de salariés préférentiellement dans les locaux du service et non dans des locaux sis au sein des entreprises. » (Point 2.c du protocole). Vraisemblablement, cette recommandation ne vise que les entreprises rattachées à un service de santé au travail interentreprises, car l’organisation d’une campagne de vaccination dans les locaux est exceptionnelle et attire l’attention de tous.
De même, le protocole ne demande pas aux entreprises dotées d’un service autonome de prendre l’initiative d’organiser une campagne de vaccination, mais ne leur interdit pas non plus.
Il est probable qu’une initiative volontaire de l’entreprise entraînera l’application du régime AT/MP, en cas d’accident de vaccination, comme le prévoit la jurisprudence actuelle pour la grippe. Toutefois, de nombreuses questions ne sont pas encore clarifiées.
La mention de la prise en charge par l’ONIAM des accidents médicaux que met en avant le protocole est évidemment intéressante, mais mérite d’être validée en droit. S’agit-il des accidents médicaux relevant de la faute personnelle du médecin ou cela couvre-t-il aussi les effets secondaires des vaccins ?
Le non-respect de l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) recommandée par la Haute Autorité de Santé (HAS) exonère-t-il l’entreprise de toute responsabilité ? Les protocoles « santé publique » sont-ils une cause exonératoire de responsabilité ?
B. Relayer l’information générale présentant la possibilité de se faire vacciner par le médecin du travail
1. Entreprise adhérente à un service de santé au travail interentreprises
Une entreprise adhérente à un service interentreprises et qui ne prend pas d’initiative particulière se contentera ainsi d’informer les salariés des propositions de vaccination formulées par le service de santé au travail interentreprises. La responsabilité de la vaccination et de la disponibilité des moyens humains et techniques relève donc du service de santé au travail interentreprises et du médecin du travail
2. Entreprise dotée d’un service de santé au travail autonome
Le protocole n’aborde pas explicitement la question des services de santé au travail autonomes.
L’entreprise peut évidemment se limiter à relayer l’information élaborée par le médecin de santé au travail, sans commentaire.
Toutefois, le médecin du travail du service de santé au travail autonome ne peut, à notre avis, imposer seul une campagne de vaccination à l’entreprise si les conditions de réalisation ne sont pas réunies.
En effet, même si l’obligation de participation à la campagne vaccinale de santé publique semble être, en théorie, une obligation opposable à l’entreprise, il nous semble que celle-ci doit rester juge de sa capacité à l’organiser et notamment sur les points évoqués dans le protocole : personnels infirmiers, moyens de conservation correcte des doses vaccinales, moyens matériels et médicamenteux de secours d’urgence en cas d’accident, moyens de protection individuelle, accès aux moyens informatiques nécessaires à la traçabilité des vaccinations, etc.
Il ne faut donc pas minimiser les aspects organisationnels et logistiques d’une opération de vaccination en entreprise.
III. Volontariat et démarche explicite des salariés auprès du médecin du travail
La vaccination contre la Covid-19 n’est pas obligatoire pour le salarié. Elle est actuellement réservée à certains salariés « vulnérables » (salariés de plus de 50 ans ayant une comorbidité). Les autres salariés n’ont, pour le moment, pas le droit d’exiger d’être vaccinés par le service de santé au travail.
Pour rappel, l’employeur ne sait pas et ne doit pas savoir qui sont les salariés « vulnérables ». Il ne donc peut en aucun cas tenter de les identifier et a fortiori de les solliciter. A ce titre, le protocole demande même aux services de santé au travail de ne pas convoquer individuellement lesdits salariés en passant par l’intermédiaire de l’entreprise. C’est donc aux services de santé au travail de les convoquer directement.
Le protocole demande au salarié qui souhaite se faire vacciner de dire à son employeur qu’il rencontre leur médecin du travail, à sa demande, sans autre précision. Nous vous rappelons que le Code du travail permet déjà au salarié de solliciter une visite médicale, à sa demande (article R. 4624-34 du Code du travail) et que, de son côté, le médecin peut le faire également. Dans le cas particulier de la Covid-19, il est probable que la prise de rendez-vous ne se fera pas par le truchement de l’employeur.
IV. Consentement du salarié à la vaccination et incidence sur la relation de travail
A notre sens, le protocole ne prévoit rien quant aux modalités de recensement du consentement du salarié à la vaccination. Au demeurant et au regard des impératifs de confidentialité et de secret médical imposés, il n’incombe pas à l’employeur de recueillir le consentement du salarié à la vaccination. D’ailleurs, l’employeur ne doit être destinataire d’aucune information sur la vaccination du salarié, que ce soit son acceptation ou son refus. En conséquence, il appartient au seul médecin du travail, préalablement à la vaccination, notamment lors de la consultation pré-vaccinale évoquée par le protocole, de recueillir ce consentement. La consultation pré-vaccinale nous semble être le moment propice pour recueillir le consentement du salarié à la vaccination, puisque cette consultation a pour objet, entre autres, d’évaluer la santé du patient, de l’informer sur les risques et bénéfices de la vaccination, d’échanger avec lui, en évoquant notamment ses craintes, etc. (Source : Haute Autorité de Santé).
La vaccination reposant sur le principe du volontariat, l’employeur ne saurait exiger d’un salarié – y compris d’un salarié vulnérable – qu’il soit couvert par une vaccination simplement recommandée. Le salarié peut toujours refuser la vaccination. Ce refus ne doit emporter aucune conséquence sur la relation de travail :
- aucune sanction ne peut être encourue ;
- l’employeur ne peut dispenser le salarié de son activité, motif pris de ce seul refus, y compris en maintenant son salaire ;
- aucune décision d’inaptitude ne peut être ainsi tirée du seul refus du salarié de se faire vacciner.
V. Autorisation d’absence et indemnisation du temps passé à la vaccination
Comme il l’a été rappelé, afin de préserver la confidentialité de la démarche du salarié, l’employeur ne doit pas savoir que le salarié va se faire vacciner contre la Covid-19. La vaccination est faite à l’occasion d’une visite à la demande du médecin du travail ou du salarié. Ces visites s’inscrivent dans le cadre des dispositions relatives au suivi individuel de l’état de santé du travailleur et notamment de l’article R. 4624-34 du Code du travail. Aussi, il ne fait aucun doute que ce dernier bénéficie de plein droit d’une autorisation d’absence pour se rendre à cet examen.
En outre, s’agissant de l’indemnisation du temps passé à l’examen médical, l’article R. 4624-39 du Code du travail, régissant le déroulement des examens médicaux, prévoit que le temps passé pour les examens médicaux doit être rémunéré. Ces dispositions trouvent également à s’appliquer, et pour les mêmes raisons évoquées ci-dessus, à la vaccination contre la Covid-19.
Au regard de l’article R. 4624-39 du Code du travail, deux hypothèses sont ainsi à distinguer :
- soit le temps nécessité par la vaccination est pris sur les heures de travail : dans ce cas, le salarié est autorisé à s’absenter, sans qu’aucune retenue de salaire ne puisse être opérée ;
- soit le temps nécessité par la vaccination ne peut avoir pendant les heures de travail : dans ce cas, le temps passé en vaccination est rémunéré comme du temps de travail effectif.
Par ailleurs, au regard de l’article R. 4624-39 du Code du travail (alinéa 2), l’employeur peut être tenu de prendre en charge les éventuels frais de transport nécessités par la vaccination du salarié contre la Covid-19.
Attention, ces dispositions ne trouvent pas à s’appliquer lorsque le salarié fait le choix de se faire vacciner par son médecin traitant.
CONTACTS
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