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Une industrie fragilisée
Face à des contraintes financières de premier ordre (envolée de la facture énergétique puis des charges d’intérêts) et un climat politique adverse depuis la dissolution, les entreprises industrielles tricolores ont d’abord réduit leurs investissements, avant de restreindre leurs embauches. Les motifs d’inquiétude n’ont pas disparu (au premier rang desquels le relèvement des droits de douane par l’administration Trump), bien que certains secteurs liés à la défense bénéficieront de la nouvelle donne géopolitique.
Chute de l’activité dans l’automobile et la mécanique
Comme depuis le Covid, la conjoncture dans l’industrie en France diffère selon les secteurs, parfois même sensiblement. Ainsi, en 2024, le volume de la production s’est franchement raffermi dans la pharmacie (en parallèle d’une contraction marquée des achats à l’étranger), et, dans une moindre mesure, dans la réparation de machines. À l’inverse, il a décroché de plus de 7 % dans la mécanique selon les indices calculés par l’Insee, affecté par le plongeon de 28 % intervenu dans les entreprises relevant du machinisme agricole, de 18,5 % dans celles fabricant des équipements pour la construction ou bien encore de 10,5 % dans celles exerçant dans le levage-manutention (les sous-secteurs des fours et des équipements pour le travail du caoutchouc ont en revanche affiché une progression). Dans l’automobile, l’activité a cédé en moyenne pas loin de 14 % l’an dernier, mouvement qui a concerné les constructeurs comme les équipementiers et les carrossiers. Enfin, au sein des autres matériels de transport, les volumes sont restés à peu près stables dans l’aéronautique et dans le naval, et, se sont partiellement redressés dans le ferroviaire après deux exercices de repli. Pour les seuls secteurs intensifs en énergie, les niveaux de production actuels demeurent très inférieurs à ceux constatés au printemps 2021 (c’est-à-dire avant l’envolée des prix de l’énergie) : il s’en faut d’environ 24 % dans la sidérurgie, 20 % dans le verre, 15 % dans la chimie de base et 11,5 % dans la fabrication de papier-carton.
Au final, fin 2024, l’activité manufacturière se situait en retrait de 4,5 % par rapport à son niveau pré-pandémie. Dans le même temps, elle a à peine varié en Espagne mais s’est repliée de 5,5 % en Italie et surtout de plus de 10 % en Allemagne où le déclin de l’industrie s’était amorcé dès 2018 et où les secteurs traditionnellement sensibles au cycle de l’investissement ont un poids plus important qu’en France.
Des carnets toujours dégarnis
Le solde d’opinions agrégé des carnets de commandes dans l’industrie est stabilisé à un niveau inférieur de 18 points environ à sa norme de long terme d’après les chefs d’entreprise sondés par la Banque de France ; ils demeurent partout dégarnis, à l’exception de l’aéronautique où les difficultés d’approvisionnement apparaissent pourtant toujours prononcées (titane, fuselages). De leur côté, les stocks sont la plupart du temps globalement jugés élevés.
En janvier et février 2025, le montant des exportations de biens manufacturés était équivalent à celui mesuré chaque mois l’an passé d’après les douanes, alors que le déficit extérieur hors énergie s’est accentué pour ressortir à 4,2 milliards d’€ en moyenne mensuelle. Si le durcissement de la politique commerciale initié par Donald Trump pénalise déjà l’économie américaine, ses annonces du 2 avril ont constitué un choc : les droits de douane appliqués sur les produits en provenance de l’Union européenne culmineront à 20 % (sauf exceptions, transitoirement à 10 % pendant trois mois), contre une moyenne simple de 5 % pour les tarifs douaniers sur les biens américains acheminés en Europe ; les États-Unis sont notre deuxième marché à l’exportation derrière l’Allemagne, et, les échanges portent principalement sur les produits aéronautiques et les équipements mécaniques d’usage général et spécifique, lesquels représentent 54 % du total des expéditions françaises de biens métallurgiques outre-Atlantique.
La conjoncture reste donc dégradée (production, carnets, solde extérieur) bien que quelques indicateurs témoignent d’une orientation plus favorable comme c’est le cas des autorisations de construction de bâtiments industriels ; ainsi le repli des dépenses d’investissement en biens manufacturés s’est interrompu fin 2024 d’après les comptes nationaux. Le cycle de progression des défaillances d’entreprises industrielles semble de son côté stoppé désormais, celles-ci plafonnant autour de 350 par mois. Par ailleurs, à court-moyen terme, le nécessaire réarmement de l’Europe stimule et stimulera l’activité des grandes entreprises et des sous-traitants de la défense, d’autant que la perspective d’un plan d’investissement massif en Allemagne pourrait bénéficier à plusieurs pans de notre industrie.
Inflexion de l’emploi hors intérim
Le marché du travail s’est retourné à partir de la fin de l’été 2024, comme en attestent l’augmentation du nombre de PSE et la montée de celui des demandeurs d’emploi. Dans l’industrie, le recours à l’intérim continue de régresser, mouvement qui concerne toutes les régions de France sans exception. Même en excluant l’intérim, l’emploi a reculé au quatrième trimestre 2024 pour la première fois depuis quatre ans, résultat de la poursuite du repli constaté dans l’automobile, les produits métalliques, le caoutchouc et le bois-papier ; en revanche, une hausse est observée dans les équipements informatiques, l’énergie, l’agroalimentaire et les autres matériels de transport (dont l’aéronautique : plus de 6 000 créations nettes de postes en un an). Dans ce contexte, les tensions de recrutement se sont relâchées, à l’image du nombre d’emplois vacants, passé selon la Dares d’un maximum d’environ 87 000 fin 2022 dans l’industrie à 56 000 fin 2024, baisse qui concerne d’ailleurs aussi la construction et les services marchands.
Fin 2024, la productivité par tête dans l’industrie manufacturière était encore en retrait de plus de 3 % par rapport à fin 2019 ; autrement dit, l’emploi s’est accru sur cette période alors que l’activité mesurée par la valeur ajoutée s’est tassée. Elle tendrait à s’améliorer si l’on en croit d’une part les prévisions de court terme publiées par l’Insee (comme fin 2024, des pertes nettes d’emplois de l’ordre de 3 000 sont attendues au premier puis au second trimestre 2025), et, de l’autre celles de la Banque de France dont les enquêtes annuelles menées en février témoignent d’une anticipation d’accroissement de l’activité (même modeste une fois celle-ci exprimée en volume).
CONTACTS
Mathieu PERAUD
Délégué Général02 99 87 42 87