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Simplification : Dépasser le stade de l’incantation

À chaque quinquennat, son « choc de simplification » et son appellation. Dernière en date : « Les rencontres de la simplification ». Même objectif que les éditions précédentes : aboutir à des mesures de simplification concrètes, mais cette fois-ci pour 2024 !

Remis sur le métier le 15 novembre dernier par les locataires de Bercy, ce chantier perpétuel s’appuie ici sur la méthode suivante : des rencontres en territoire avec les parties prenantes et une consultation nationale publique. Elle s’est clôturée le 29 décembre et permis de recueillir 5 500 propositions de simplification, notamment auprès des entreprises portant sur un large éventail de sujets : normes environnementales, réglementations européennes, questions économiques et sociales.

L’UIMM a bien évidemment accueilli favorablement le déploiement territorial de cette initiative. Mais, s’il convient de soutenir une intention qui va dans le bon sens, il s’agit surtout d’en appeler à une obligation de résultats. En clair : dépasser enfin l’incantation pour améliorer significativement la vie de nos entreprises industrielles.

Le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, a indiqué, dans son discours de passation sur le perron de l’Hôtel de Matignon, vouloir libérer le potentiel français, notamment via « une simplification drastique de la vie des entreprises ». Passé le temps des propositions, la place sera-t-elle enfin aux actes ?

Le fardeau de la complexité administrative pour les entreprises

La complexité administrative en France, exacerbée entre 2022 et 2023, constitue un fardeau majeur pour les entreprises. En effet, le volume du droit français a doublé, entraînant une hausse de 364 % du Code du commerce et de 311 % du Code de la consommation en 2021. Cette inflation législative complique l’application des lois et plonge les entreprises dans une insécurité juridique. Les entrepreneurs, contraints de se conformer à ces réglementations complexes, voient leurs initiatives freinées et leurs charges augmentées. L’OCDE estime que la complexité administrative représente entre 3 % et 4 % du PIB français annuellement ! Les dirigeants de TPE-PME y consacrent jusqu’à un tiers de leur temps. Réduire cette charge de 25 % économiserait environ 15 milliards d’euros.

La production de normes, provenant de plus en plus de Bruxelles, affecte inévitablement les entreprises françaises. Entre 2017 et 2022, elles se sont vues imposer 850 nouvelles obligations par l’UE, soit une tout les 2 jours !!!

Les propos du président de la République appelant à une pause réglementaire sont salutaires. La façon dont les institutions européennes produisent de la norme devra être portée comme un enjeu important pour la campagne des Européennes. La directive européenne CSRD, entrée en vigueur le 1er janvier 2024, illustre la tendance de l’UE à produire des normes sans considérer leur impact sur les entreprises, particulièrement préjudiciable dans un contexte de guerre commerciale avec la Chine et les États-Unis.

Mais, ces obligations et leur contrôle ne sont pas toujours transcrites avec la même ardeur dans le droit national. Ainsi, contrairement à l’Allemagne où la Cour constitutionnelle de Karlsruhe veille à la subsidiarité, la France a tendance à surtransposer ces directives. Le projet de loi « DDADUE » (diverses dispositions d’adaptation au droit de l’UE) prévu pour discussion à l’Assemblée Nationale au premier trimestre 2024 sera un test de cette tendance. Le 30 novembre dernier, Elisabeth Borne avait annoncé la volonté de ne pas surtransposer cet accord, mais qu’en sera-t-il du nouveau gouvernement ?

Quelles solutions attendues pour supprimer les lourdeurs administratives ?

Il faut agir tant à la source sur la production de normes qu’en aval sur les modalités d’application et de contrôle, sans oublier sur leur évaluation, notamment au regard des pratiques de nos voisins. Avec un seul objectif : garantir une concurrence juste et équilibrée, d’autant plus dans un espace européen où les traités réaffirment les principes de subsidiarité et de proportionnalité !

Plus concrètement, ce choc de simplification peut se traduire par plusieurs mesures clés, identifiées et portées conjointement avec le Medef et France Industrie : Décembre 2023 – France Industrie – Pistes de simplifications

Systématiser le « dites-le nous une fois » :

Alléger la charge administrative impliquerait l’uniformisation des formulaires administratifs. Cette mesure systématiserait le principe du « Dites-le nous une fois » en pré-remplissant les formulaires avec les données déjà recueillies, nécessitant une interopérabilité des données entre services de l’État. Enfin, la mise en place d’une messagerie dédiée pour le dialogue entre les entreprises et l’administration, similaire à celle de la DGFIP, faciliterait les échanges.

Il convient de poursuivre les travaux sur le guichet unique (le dernier en date !) tout en veillant à la protection des données numériques.

Normaliser les saisines parallèles :

La formation de la norme requiert des études d’impact et des consultations d’instances paritaires. Ces consultations produisent des avis éclairés, mais leur calendrier n’est souvent pas compatible avec celui des entreprises. La solution pourrait résider dans des procédures parallèles, comme pour le foncier industriel dans la loi industrie verte. Elle pourrait aussi se traduire à travers une révision du nombre et des modes de gouvernance du mille-haies auquel a abouti la multiplication des agences et « autorités ». Là où une autorité indépendante du politique apparaît nécessaire, nos voisins ont fréquemment recours à des organismes de nature paritaire plutôt que de donner tous les pouvoirs à des administratifs. L’Autorité Environnementale wallonne a ainsi été attribuée au CESE, qui émet des avis succincts, rapides et équilibrés.

Appeler à une révolution culturelle de l’administration :

Plus largement, pour lutter contre l’inflation normative, il convient d’adopter de nouvelles méthodes, s’inspirant de celles mises en œuvre au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et au Canada.

Il serait utile de procéder à la mise en place d’évaluations annuelles des actions de simplification réalisées par les ministères fondées sur le principe effectif de « une norme adoptée, une norme supprimée », ainsi que la création d’un comité de contrôle composé de chefs d’entreprises pour évaluer les mesures de simplification.

En conclusion, il est impératif de dépasser le stade de l’incantation pour le « Choc de simplification ». L’adoption de nouvelles méthodes inspirées des modèles internationaux, la mise en place de comités de contrôle dirigés par des chefs d’entreprises et une évaluation rigoureuse des actions de simplification sont cruciales.

L’initiative des rencontres de la simplification va à ce stade dans le bon sens. La loi « PACTE II » doit dans la foulée procéder à un « nettoyage législatif » des dispositions inutiles, mais l’équation parlementaire permettra-t-elle de traduire pleinement cette ambition ? Et, au-delà, à quand une réforme profonde de l’État, du mille-feuille administratif et de son rapport avec ses administrés ?

Là réside sûrement un levier puissant à actionner, car plus que d’un nouveau choc de simplification, c’est d’un nouveau choc de compétitivité dont nos entreprises ont besoin !

CONTACTS

Mathieu PERAUD

Délégué Général

02 99 87 42 87