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Loi Climat : les risques pour l’industrie

Le Projet de Loi Climat, issu des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat, a été présenté en Conseil des Ministres le 10 février. Il comporte déjà 69 articles. Il est examiné par l’Assemblée Nationale en Commission spéciale depuis le 8 mars.

Au moment où les députés débutent l’examen de ce texte en commission spéciale, il demeure à ce stade des mesures posant de graves difficultés d’interprétation et de mise en œuvre opérationnelle pour les acteurs économiques, déjà durement fragilisés par la crise sanitaire. Un surcroît d’incertitudes regrettable en matière d’attractivité et de compétitivité.

Nous alertons les parlementaires de l’Ille et Vilaine et du Morbihan par un courrier que vous pourrez reprendre dans le cadre de vos échanges avec votre député ou sénateur de votre territoire. Vous pouvez le récupérer auprès de Mathieu PERAUD : m.peraud@uimm35-56.com 

Consommer, produire, travailler, se déplacer, se nourrir, se loger… il suffit d’un rapide coup d’œil à son architecture pour voir que le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » aborde des thèmes au cœur de la vie quotidienne de chaque citoyen, quels que soient son âge, son lieu d’habitation, son métier, ses habitudes et usages.

Il est bien question d’empreinte(s): empreinte carbone; empreinte « de » et donc « sur »
notre société. Ce texte nous interpelle à plusieurs égards :

1. Sa genèse: fruit du grand débat post gilets-jaunes, la Convention citoyenne pour le climat revêt une limite intrinsèque majeure, celle d’être fondée sur le tirage au sort. Seul le Parlement dispose du pouvoir législatif.

2. Son manque de prise en compte du cadre européen et des directives à venir. Voilà un nouveau terrain propice au fléau français de la surtransposition, qui réduit considérablement nos efforts en matière de compétitivité!

3. L’insuffisance criante de l’étude d’impact des 69 articles de ce texte, soulignée sévèrement par le Conseil d’État.

4. Sa cohérence fragile avec les lois récemment votées, révélatrice de l’ampleur de l’instabilité du cadre juridique résultant d’une boulimie normative croissante.

Nous considérons qu’il entame notre capacité à se projeter dans l’avenir, alors même que le développement d’une industrie forte, colonne vertébrale de l’activité économique dans les territoires, permettrait véritablement à la France de se positionner à la tête de la lutte contre le dérèglement climatique !

Rappelons qu’entre 1995 et 2015 les émissions de C02 de la France ont baissé de 20 %. Celle de l’industrie de 40 %. Mais l’empreinte carbone de la France a augmenté de 17 %. C’est l’impact direct de l’importation de produits, qui engendre un double impact délétère: plus de CO2 et moins d’emplois !

Afin que le projet de loi Climat ne s’inscrive pas à rebours du plan de relance qui connait un engouement inattendu, nous veillerons à concilier étroitement ces trois dimensions : protection de l’environne  -ment, développement économique et progrès social.
Or, parmi les sujets suscitant de très vives inquiétudes figure le titre VI du projet de loi : renforcer la protection judiciaire de l’environnement – sujet au demeurant au cœur de la loi du 24 décembre 2020 (!!!) relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

  • Pour rappel, le projet de loi prévoit en son article 67 la création d’un délit pour punir plus fermement, avec une peine maximale de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende pouvant être porté jusqu’au triple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction, les comportements illicites qui exposent la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat de dégradation grave et durable, c’est-à-dire susceptible de durer au moins dix ans. Sont visés par cette disposition les installations classées (ICPE) et assimilées et le transport de marchandises dangereuses.
  • A cela s’ajoute à l’article 69 la création d’un délit d’atteinte générale aux milieux physiques qui prévoit une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende (jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de l’infraction); enfin le délit d’écocide prévoit dix ans d’emprisonnement, 4.5 millions d’euros d’amende (jusqu’au décuple de l’avantage tiré de l’infraction).

Il convient de noter d’une part que l’industrie fait déjà l’objet d’une surveillance de haut niveau et que des délits dédiés aux ICPE et assimilées existent déjà. D’autre part, si l’intention de l’exécutif de renforcer les sanctions de comportements délictuels est légitime, il n’en demeure pas moins, comme le souligne le Conseil d’État que « le projet de loi réprime de manière sensiblement différente et incohérente des comportements intentionnels causant des atteintes graves et durables à l’environnement ».

Dès lors, nous demandons que soit sécurisé le principe d’une mise en demeure préalablement à la déclaration du délit par l’autorité administrative compétente dans le cas d’exploitation sans autorisation. Plus qu’un droit à l’erreur, il s’agit d’un droit à rectification après mise en demeure.

S’agissant du délit général de pollution et du délit d’écocide, pour l’air, il convient de restreindre aux im- pacts directs des émissions. La notion de pollution indirecte de l’air pose question sur sa portée exacte, et en particulier le risque qu’elle ne vienne s’appliquer aux gaz à effet de serre et leurs effets indirects par contribution à l’effet de serre et à ses incidences climatiques. Or la question climatique est globale.

Les débats sur ce texte à l’Assemblée nationale se dérouleront durant deux semaines en commission spéciale. Elle devra étudier plus de 5 000 amendements de toute nature! Le texte adopté en commission sera ensuite discuté en séance à partir de 25 mars, où l’on attend traditionnellement le double d’amendements par rapport à la commission !

La vigilance est de mise pour éviter une empreinte sur le texte qui réduirait la capacité de l’industrie en France à produire 100 % des solutions à la décarbonation !