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L’empreinte de la montée des taux d’intérêt sur les comptes des entreprises
Les statistiques diffusées par les comptables nationaux permettent déjà de se faire une première idée de l’évolution de la répartition de la valeur ajoutée en 2024. Les résultats d’exploitation des entreprises françaises s’inscrivent en ligne avec la moyenne historique, tandis que la masse salariale la dépasse. D’autre part, le montant des intérêts nets versés est en passe de dépasser celui des dividendes, ce qui n’était plus arrivé depuis vingt ans.
Petite hausse de la valeur ajoutée
En 2024, plus exactement lors des trois premiers trimestres annualisés, la production réalisée par les sociétés non financières installées en France a approché 3 800 milliards d’€, d’après les comptes nationaux provisoires publiés par l’Insee. Il s’agit d’un niveau équivalent à celui de 2023, l’activité en volume ayant même reflué. Pendant ce temps, les consommations intermédiaires ont diminué de 0,9 %, résultat, donc des moindres volumes produits, mais aussi de la baisse des prix des intrants énergétiques. Mécaniquement, la valeur ajoutée a grimpé à hauteur de 1,2 % l’an passé, après + 8,2 % en 2023. Le poids de cette dernière dans la production s’est certes accru lors des deux derniers exercices mais, à 39,4 %, demeure en retrait de 2,4 points par rapport à sa moyenne calculée depuis 1990 et quasiment d’autant par rapport à 2020, année qui a précédé le début de la vague d’inflation intervenue un peu partout dans le monde et notamment en Europe.
Recul du taux de marge
Nets de subventions, les impôts indirects – qui regroupent notamment les taxes foncières, la cotisation foncière des entreprises, la CVAE, le C3S, la taxe sur les salaires et le versement mobilité – ont représenté 2,2 % de la valeur ajoutée l’an dernier. Si ce ratio est orienté à la baisse, il reste très supérieur à celui enregistré dans les autres grandes économies : de l’ordre de 1 % en Italie et en Espagne et de – 1 % en Allemagne (autrement dit, Outre-Rhin, le montant des subventions dépasse celui des impôts de production, particulièrement faibles pour ceux relevant du foncier et inexistants pour ceux relevant des salaires).
Le taux de marge – qui rapporte l’excédent brut d’exploitation à la valeur ajoutée – est ressorti à 31,9 % en 2024. Variable d’un exercice à l’autre depuis la pandémie, celui-ci s’est replié sur un an compte tenu de la dégradation des termes de l’échange (rapport entre le prix des exportations et des importations), alors que la productivité a rebondi et que les salaires réels se sont raffermis ; le taux de marge se situe ainsi quelques dixièmes de points au-dessus de sa norme. Quelques commentaires peuvent par ailleurs être faits :
- selon l’Insee, qui a actualisé son scénario macroéconomique de court terme en décembre, le ratio diminuerait de nouveau à hauteur de 0,3 point au premier semestre 2025, notamment parce que la progression de la productivité ne compenserait que partiellement celle du coût du travail ;
- mesuré dans l’industrie (cette fois-ci en incluant les entreprises individuelles, qui ne peuvent être isolées), le taux de marge dépasse sa marque habituelle dans les secteurs des biens inter-médiaires comme des biens d’équipement mais lui est inférieur de 2 points dans les matériels de transport ;
- si les comptes nationaux ne permettent pas des comparaisons par taille d’entreprises, la base Esane de l’Insee sur les statistiques structurelles d’entreprises les renseignent : dans l’industrie manufacturière, le ratio est par exemple supérieur de plus de 10 points en moyenne dans les ETI et les grandes entreprises que dans les PME.
D’abord tirée par l’emploi, la masse salariale est désormais tirée par les salaires
Au sein du compte d’exploitation, les charges salariales représentent le solde, à savoir 65,9 % de la valeur ajoutée. Elles comprennent les cotisations employeurs, ainsi que la masse salariale, laquelle s’est élevée pile à 50 % l’an dernier en regard d’une moyenne de 48,1 % sur la période 1990-2024 et de 49,7 % sur celle de 2010-2024. Si les effectifs du secteur privé sont à présent stabilisés, le salaire moyen par tête aurait augmenté de 2,8 % en moyenne annuelle 2024 d’après l’Insee, malgré de moindres versements de la prime de partage de la valeur en regard de l’exercice précédent.
Une envolée des charges d’intérêt qui vient restreindre l’épargne dégagée
Au-delà du compte d’exploitation, les revenus dégagés par l’activité sont notamment redistribués sous la forme de revenus financiers. Si le montant des dividendes nets versés aux actionnaires a peu varié entre les trois premiers trimestres de 2023 et de 2024, celui des intérêts s’est envolé consécutivement à la hausse passée des taux d’intérêt. Notons que, compte tenu du relatif faible attrait des entreprises françaises pour les taux variables, le choc de taux les expose à une montée du coût de leur endettement plus progressive qu’ailleurs mais aussi plus persistante. Après prise en compte des impôts directs versés, l’épargne dégagée a franchement décliné en glissement annuel, revenant sur un plus bas qui n’avait plus été observé depuis 2012 une fois exprimée en proportion de la valeur ajoutée ; comme les investissements en valeur se sont maintenus, le taux d’autofinancement est tombé sous la barre des 85 %, ce qui ne s’était produit qu’à une seule reprise ces dernières décennies, en 2008. Autrement dit, les entreprises doivent dans une large ampleur se financer sur les marchés ou faire appel au crédit bancaire pour procéder à de nouvelles dépenses d’équipement.
CONTACTS
Mathieu PERAUD
Délégué Général02 99 87 42 87