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L’économie française à l’arrêt
La stagnation du PIB français lors des deux derniers trimestres provient en premier lieu de celle de la demande intérieure privée, qui dépasse en fait à peine son niveau du second semestre 2023. Dans ce contexte, l’emploi privé ne progresse guère, demeurant en retrait de 0,3 % par rapport à son point haut d’il y a un an.
Contribution favorable des stocks
Selon une première estimation diffusée fin avril, le PIB français s’est raffermi de 0,1 % lors des trois premiers mois de 2025, mouvement effaçant le repli enregistré les trois derniers de 2024. Il a été uniquement tiré par les stocks, qui se sont redressés après cinq trimestres consécutifs de baisse, en particulier dans la chimie, la pharmacie et l’agroalimentaire. En effet, les deux autres composantes de la croissance économique sont soit restées stables (demande intérieure), soit l’ont pénalisée (commerce extérieur). Autrement dit, en l’absence de variation des stocks, le PIB aurait diminué de 0,4 %. Fin mars, l’acquis de croissance ressortait à 0,4 %, de sorte qu’il faudrait que celle-ci atteigne 0,2 % chacun des trois prochains trimestres pour que la prévision gouvernementale de 0,7 % se vérifie.
Dans ce contexte et en l’absence de mesures significatives, la résorption du déséquilibre des finances publiques risque de demeurer lente. Pour mémoire, le déficit des administrations tel que calculé par les comptables nationaux a approché 170 milliards d’€ en 2024 après 152 milliards en 2023 et 126 milliards en 2022, résultat d’une augmentation des dépenses supérieure à celle des recettes, les premières dépassant de surcroît les secondes de 11 %. À 113 % du PIB, la dette se situe exactement au même niveau qu’au second trimestre 2020.
Le taux d’épargne des Français toujours en surplomb
De loin la première composante du PIB, la consommation des ménages est à l’arrêt. Les seules dépenses dédiées aux biens manufacturés se sont même repliées de 0,8 % en volume au premier trimestre 2025, retombant sur un plus bas depuis quasiment dix ans (premier semestre 2020 excepté) ; les achats de biens alimentaires sont en effet repartis à la baisse et ceux en matériels de transport ont décroché de 4,4 % en contrecoup de la progression intervenue fin 2024 (nouvelles normes sur les véhicules neufs en janvier puis durcissement du bonus écologique en mars). Parallèlement, la demande d’énergie a évolué à la marge alors que celle en services marchands a grimpé, observation valant pour tous les grands postes (transport, information-communication, …). L’espoir de retour à la normale du taux d’épargne, dans un premier temps imaginé en sortie de Covid, apparaît mince désormais, au moins à court terme : au premier semestre 2025, il resterait même supérieur à 18 % selon l’Insee, c’est-à-dire de l’ordre de 3,5 points au-dessus de sa moyenne 2000-2019. Il est vrai que la part des ménages considérant la période actuelle propice à l’épargne reste élevée, bien que les deux dernières enquêtes de conjoncture menées par l’Insee témoignent d’un petit reflux de celle-ci.
L’autre composante des dépenses des Français – à savoir leurs investissements résidentiels neufs – est à présent stabilisée à l’issue d’une chute de 18 % depuis le pic du printemps 2021. Dans l’ancien, la chute des transactions semble également stoppée, de sorte que l’amélioration du pouvoir d’achat immobilier l’an dernier à la faveur de la réduction des taux d’intérêt et de l’allongement de la durée moyenne des emprunts commencent probablement à produire leurs effets.
Stagnation des investissements productifs
Les investissements des entreprises non financières apparaissent eux aussi globalement stabilisés, demeurant 2,7 % en retrait de leur niveau de l’été 2023. Les évolutions sectorielles sont très disparates, les dépenses de matériels de transport se redressant légèrement au premier trimestre 2025 (du fait d’achats anticipés avant l’entrée en vigueur du durcissement du malus écologique pour les automobiles début mars), alors que celles pour les biens d’équipement et en construction se sont maintenues en repli. En même temps, les investissements en logiciels et R&D poursuivent leur marche en avant, devenant supérieurs de 45 % à leur marque d’avant la pandémie et supplantant pour la première fois les investissements en construction non résidentielle.
Le commerce extérieur à la peine
Le mouvement de ciseaux observé sur les flux du commerce extérieur se traduit mécaniquement par une contribution négative de ce dernier à la croissance : le volume des exportations françaises de biens et services a reculé de 0,7 % au premier trimestre 2025 d’après l’Insee, tandis que les importations ont grimpé de 0,4 %. Les seules expéditions de biens industriels ont diminué pour tous les grands postes à l’exception des matériels de transport (avions et paquebot), alors même que les ventes de certains secteurs vers les États-Unis se sont renforcées avant l’annonce des mesures tarifaires par Donald Trump en avril (maroquinerie, vin), notait la Direction générale des douanes dans son dernier bilan trimestriel ; de leur côté, les exportations de services n’ont guère varié après le recul intervenu au quatrième trimestre 2024. Au total, le déficit des échanges extérieurs a atteint près de 5 milliards d’€ lors des trois premiers mois de 2025 (18 milliards pour les seuls biens industriels), résultat identique à celui enregistré en moyenne chaque trimestre en 2018-2019.
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Mathieu PERAUD
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