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La métallurgie souhaite que «les usines reprennent le travail»
Il ne faut pas « ajouter une crise sociale à la crise sanitaire »
selon Philippe Darmayan, président de l’UIMM (42 000 entreprises, 1,5 million de salariés).
Il est urgent que l’industrie reprenne son activité afin que la France ne prenne pas de retard sur ses rivaux allemands et chinois. Une reprise qui se ferait en garantissant à tous les salariés une protection face au coronavirus.
Vous plaidez pour un redémarrage rapide de l’industrie. Pourquoi ne pas attendre le déconfinement ?
L’industrie doit reprendre le travail, en toute sécurité, car au drame sanitaire, il ne faut pas ajouter un drame économique et social ! La crise que nous traversons est d’une violence inouïe, supérieure à celle de 2008. Or l’industrie fonctionne actuellement sur les commandes du passé. Il faut maintenant une reprise d’ensemble : des magasins de textile, des concessions automobiles ou encore des chantiers du BTP, qui absorbent 20 % de la production métallurgique française.
Les aides de l’État ne permettent-elles pas de patienter encore ?
Le gouvernement a pris des mesures exceptionnelles et efficaces, c’était vital ! Mais la vraie assurance tous risques des entreprises, ce sont les commandes. Il faut donc que l’ensemble de l’industrie reparte. Ceci, bien sûr, en protégeant les salariés.
C’est une course de vitesse avec l’industrie allemande ?
Dès lors que la consommation repart, les premiers à répondre à la demande conquièrent des parts de marché. L’industrie redémarre non seulement en Allemagne mais aussi en Chine. Chaque jour qui passe est un pas de plus vers le déclin de notre industrie.
Mais comment garantir aux salariés qu’ils ne seront pas contaminés sur leur lieu de travail ?
Nous avons l’impératif d’apprendre à travailler dans des conditions sanitaires irréprochables, avec un virus qui continuera à circuler bien après le déconfinement. Dans la métallurgie, nous avons mis au point très tôt des protocoles sanitaires stricts que les entreprises mettent en œuvre sur le terrain en accord avec leurs organisations syndicales : télétravail, indispensable pour alléger les transports en commun, adaptation de la restauration d’entreprise, réorganisation des postes de travail pour maintenir la bonne distance entre les personnes, port du masque quand c’est nécessaire, décontamination des ateliers, nettoyage des vêtements de travail ou encore contrôle de la température des salariés.
Les entreprises disposent-elles de masques en nombre suffisant ?
Des commandes de masques en tissu ont été passées par les grands groupes pour leur usage et celui de leurs sous-traitants. D’autres vont suivre. Nous bénéficierons aussi en partie de ceux produits par les 400 entreprises de la filière textile française, ainsi que par certains industriels de l’automobile. La priorité reste néanmoins d’approvisionner les soignants et les hôpitaux en quantité suffisante, pas question que l’industrie les prive de masques.
Demandez-vous un plan de relance pour stimuler la consommation ?
Oui, c’est en cours de discussion avec le gouvernement. Mais il faudra aussi une relance pour l’investissement, et que tout cela soutienne ce qui est produit en France, pas ce qui est importé.
Faudra-t-il rompre avec les 35 heures ?
La priorité, c’est d’abord qu’il y ait à nouveau du travail pour tout le monde. Il faudra parfois savoir s’adapter, ici à des pics d’activité, là à des creux, mais toujours en accord avec les salariés et les organisations syndicales.
Philippe Darmayan, dirige également le producteur d’acier ArcelorMittal France.
Ouest-France André THOMAS.Publié le 26/04/2020.
Photo FRANCK DUNOUAU