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Heures supplémentaires et activité partielle
Un récapitulatif s’impose.
Après des semaines de débat sur la non intégration des heures supplémentaires dans l’assiette de l’indemnité d’activité partielle, l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 intègre certaines heures supplémentaires dans le nombre d’heures indemnisables au titre de l’activité partielle sans pour autant toutes les intégrer.
Les gestionnaires de paie vont avoir besoin de beaucoup d’heures, y compris supplémentaires, pour identifier les heures indemnisables de celle qui ne le sont pas !
En cas d’activité partielle, les heures supplémentaires ouvrent-elles droit à indemnisation par l’État ?
Durant les heures chômées au titre de l’activité partielle, le contrat de travail est suspendu (art. L. 5122-1 CT). Cette suspension du contrat de travail suspend l’obligation de l’employeur de verser le salaire convenu.
L’indemnité horaire d’activité partielle de 70 % de la rémunération brute est calculée sur une assiette de rémunération ramenée à la durée légale ou, si elle est inférieure, à la durée collective de travail. Les heures supplémentaires sont ainsi exclues de l’indemnisation.
La Cour de cassation le confirme : « les heures supplémentaires, soit les heures supérieures à la durée légale, ne donnent pas lieu à indemnisation au titre du chômage partiel » (Cass. soc 28 octobre 2008, n° 07-40865).
La circulaire DGEFP n° 2013-12 du 12 juillet 2013 relative à la mise en œuvre de l’activité partielle précise que l’employeur n’est pas tenu d’indemniser les salariés du fait du chômage des heures supplémentaires qui auraient pu être accomplies.
Il en résulte que les heures supplémentaires, accomplies habituellement du fait d’un horaire collectif supérieur à 35 heures ou de leur prévision au contrat de travail ne doivent pas être payées au regard du salaire convenu, sauf à ce que l’employeur se soit expressément engagé, par un accord collectif par exemple, à maintenir la rémunération en cas d’activité partielle.
Aucune distinction n’est à opérer selon qu’il s’agisse d’heures supplémentaires structurelles (c’est-à-dire prévues au contrat de travail ou accomplies en application de l’horaire collectif) ou d’heures supplémentaires conjoncturelles.
A noter : Si les salariés sont soumis à un forfait en heures, ce sont les heures supplémentaires excédant la durée moyenne de 35 heures qui ne seront pas rémunérées.
Toutefois, l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 prévoit à titre exceptionnel que dans certains cas ces heures supplémentaires peuvent être prises en compte pour déterminer le nombre d’heures ouvrant droit à indemnisation dans le cadre de l’activité partielle.
En cas d’activité partielle, les heures supplémentaires doivent-elles être rémunérées par l’employeur ?
Par principe, seules les heures chômées dans la limite de la durée légale du travail ou, lorsqu’elle est inférieure, dans la limite de la durée collective de travail applicable dans l’entreprise sont prises en compte pour déterminer le nombre d’heures indemnisables dans le cadre d’une fermeture temporaire d’un établissement ou d’une réduction d’horaire dans cet établissement.
Cependant, l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 apporte des exceptions à ce principe. En effet, il est prévu que certaines heures supplémentaires donnent lieu à indemnisation au titre de l’activité partielle.
Deux catégories d’heures supplémentaires sont concernées par ces exceptions :
- Les heures supplémentaires prévues par une convention individuelle de forfait conclue par le salarié concerné, avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, soit avant le 24 avril 2020. Il s’agit d’une convention individuelle de forfait en heures au sens des articles L. 3121-56 et L. 3121-57 du code du travail incluant des heures supplémentaires.
Sont visées, les conventions de forfait en heures sur la semaine, sur le mois ou sur l’année.
Qu’en est-il alors des contrats de travail dont la durée contractuelle de travail fixée pour un salarié considéré correspond à un horaire comprenant des heures supplémentaires mais n’est pas conclu en application des articles L. 3121-56 et L. 3121-57 du code du travail ?
Un contrat peut garantir une durée contractuelle de travail comprenant sur la semaine ou le mois un volume d’heures supplémentaires sans être conclu en application des articles L. 3121-56 et L. 3121-57 du Code du travail. En effet, le régime des conventions individuelles de forfait en heures résulte de la loi Aubry n° 2000-37 du 19 janvier 2000. Ainsi, des contrats conclus avant l’entrée en vigueur de ce régime légal et qui sont toujours en cours d’exécution peuvent prévoir une durée contractuelle du travail comportant un volume d’heures supplémentaires. Cette durée contractuelle conduit à garantir l’accomplissement d’un nombre d’heures supplémentaires et la rémunération correspondante. Ces contrats antérieurs au régime légal des conventions de forfait heures pourraient donc comporter une durée contractuelle comprenant des heures supplémentaires, tout comme une convention de forfait en heures. Dès lors, même s’ils n’ont pas été conclus en application des articles L. 3121-56 et L. 3121-57 du Code du travail, puisque ce régime légal des conventions de forfait heures n’existait avant la loi Aubry de 2000, ils produisent les mêmes effets puisque, tout comme en présence d’une convention individuelle de forfait heures, les heures supplémentaires sont contractuelles pour le salarié concerné.
Dans l’hypothèse d’un contrat conclu après la création du régime légal des conventions de forfait en heures et qui prévoit un horaire supérieur à 35 heures, il est censé entrer dans le champ des conventions individuelles de forfait en heures telle que visée par les articles L. 3121-56 et L. 3121-57 du code du travail, et ce même si le contrat ne fait pas expressément référence à la notion de convention de forfait en heures, il en produit en tout cas les même effets.
Ainsi, un contrat de travail prévoyant un horaire individuel comportant des heures supplémentaires et une convention individuelle de forfait conduisent tous les deux à garantir un volume horaire de travail, et par la même, à contractualiser la rémunération correspondante.
Dans les deux situations, les contrats comportent une durée contractuelle à laquelle le salarié est individuellement soumis et devraient donc, selon nous, tout autant qu’une convention de forfait conclue en application des articles L. 3121-56 et L. 3121-57 du Code du travail, être considérés comme comportant des heures supplémentaires telles que visées à l’article 7 précité de l’ordonnance. Cette interprétation peut d’autant plus être défendue que dans le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19, il est précisé que l’article 7 permet de prendre en compte, dans les heures non travaillées indemnisables, les heures de travail au-delà de la durée légale ou collective du travail, dès lors qu’elles sont prévues par une stipulation conventionnelle ou une stipulation contractuelle conclue avant la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance. Dans son questions/réponses « dispositif exceptionnel d’activité partielle » mis à jour le 29 avril 2020 le ministère du travail présente une position qui va dans ce sens. https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/covid19-doc-precisions-activite-partielle.pdf
D’ailleurs, il convient de préciser qu’aucun formalisme particulier n’est requis pour la conclusion des conventions de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois. La forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié, lequel doit être formalisé dans une convention individuelle de forfait, celle-ci se matérialisant dans le contrat de travail, un avenant au contrat ou un écrit distinct.
Par ailleurs, concernant les salariés, la conclusion d’une convention de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois peuvent être conclues avec des salariés sans qu’aucune condition d’autonomie dans la fixation de leurs horaires ne soit requise.
Attention : il convient de distinguer les hypothèses précitées, relatives à une durée contractuelle du travail comprenant des heures supplémentaires, de la rémunération forfaitaire des heures supplémentaires. En effet, la rémunération forfaitaire ne constitue qu’une modalité de paiement des heures supplémentaires sans garantir le volume des heures supplémentaires dont la rémunération est forfaitisée. Cette rémunération forfaitaire est une tolérance de la jurisprudence qui conduit à ne faire apparaitre qu’une seule ligne sur le bulletin de paie : cette ligne comprenant à la fois la rémunération des heures normales de travail ainsi que celle des heures supplémentaires. Les heures supplémentaires qui feraient donc l’objet d’une rémunération forfaitaire, non accompagnée d’une contractualisation expresse de ces heures supplémentaires, ne devrait donc pas être considérées comme des heures supplémentaires telles que visées à l’article 7 précité de l’ordonnance.
Il convient également d’exclure des heures supplémentaires prises en compte pour déterminer le nombre d’heures indemnisables au titre de l’activité partielle celles qui font l’objet d’une simple mention dans le contrat de travail en vue d’informer le salarié de l’horaire collectif applicable dans l’entreprise. Cet horaire collectif comprenant des heures supplémentaires mentionné dans le contrat n’a qu’une valeur informative et non, en principe, une valeur contractuelle.
- Les heures supplémentaires accomplies par les salariés dont la durée de travail est supérieure à la durée légale en application d’une convention ou d’un accord collectif de travail conclu avant le 24 avril 2020.
Cela vise les cas où un accord d’entreprise ou une convention collective détermine une durée collective de travail comprenant des heures supplémentaires. Sont donc exclues les situations où l’horaire collectif applicable résulte d’une simple décision unilatérale de l’employeur faisant l’objet d’un seul affichage dans l’entreprise.
L’ordonnance précitée du 22 avril 2000 prévoit que les heures supplémentaires prévues par la convention individuelle de forfait en heures ou par la convention ou l’accord collectif sont prises en compte pour la détermination du nombre d’heures non travaillées indemnisées.
L’article 7 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 venant modifier l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle, ces modifications entrent en vigueur à compter du 12 mars 2020 jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2020.
Reste en suspend la question, pour les heures supplémentaires indemnisables, de l’intégration des majorations pour heures supplémentaires dans l’assiette d’indemnité et d’allocation d’activité partielle ?
L’article 7 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 vise le nombre d’heures indemnisables mais ne modifie aucunement les articles R5122-12 et R5122-18 du code du travail qui eux traitent de l’assiette de l’indemnité et de l’allocation d’activité partielle qui reste à ce jour inchangée. Doit-on en déduire que la majoration des heures supplémentaires nouvellement indemnisables au titre de l’activité partielle doit être exclus de l’assiette ? pas nécessairement puisque dans le questions/réponses susvisé, le ministère du travail intègre dans le cas des heures supplémentaires indemnisables, la rémunération de ces heures supplémentaires et des majorations y afférentes dans l’assiette de l’indemnité et de l’allocation d’activité partielle en précisant qu’un décret est actuellement en cours d’élaboration pour adapter et clarifier l’assiette servant au calcul du taux horaire, tel qu’interprétée par l’administration.
Ainsi, les heures supplémentaires ci-dessus visées devront être prises en compte dans le nombre d’heures indemnisables au titre de l’activité partielle à compter du 12 mars 2020.
Les entreprises qui n’ont pas pris en compte ces heures supplémentaires lors de leur demande d’activité partielle devront :
– d’une part, modifier leur demande auprès de la DIRECCTE ;
– et d’autre part, effectuer une régularisation de l’indemnité d’activité partielle versée aux salariés à hauteur des heures supplémentaires manquantes.
Au regard du fait que l’ordonnance a été publiée en fin de mois et du nombre de questions en suspend, il peut être judicieux d’attendre les paies de mai pour faire les régularisations qui s’imposent ou se préparer à faire en mai, des régularisations de régularisations…
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