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Fiscalité de production, une singularité française

Toutes les analyses récentes témoignent du poids démesurément élevé des impôts de production en France. Ceux-ci frappent les entreprises avant même qu’elles puissent dégager des résultats, affectant donc leur capacité à investir et à innover. Il est souhaitable de les réduire significativement.

Ces dernières semaines, deux rapports sur la fiscalité de production ont été rendus publics. Le premier, un docu­ment de consultation publié dans le cadre du Conseil national de l’industrie et rédigé par Messieurs Dubief et Le Pape, et, le second, par l’institut Coe-Rexecode.

Le constat : une compétitivité dégradée

Dans un cas comme dans l’autre, le constat de départ est sans appel : la compétitivité de l’économie française sur les marchés extérieurs n’a cessé de s’éroder. Pour la première fois en 2017, les exportations de marchan­dises ont représenté moins de 12 % des exportations effectuées par les pays de la zone euro, contre 14 % en 2005 et près de 16 % en 2000. Compte tenu du dynamisme des importations, le déficit des échanges de produits manufacturés demeure élevé, s’inscrivant à 47 milliards d’euros lors des douze derniers mois connus en avril 2018. Plusieurs causes sont sans doute à l’origine de cette situation, à commencer par la fisca­lité de production qui peut être vue comme un coût fixe puisqu’elle ne dépend pas des résultats réalisés par les entreprises. Elle pénalise le secteur industriel, particu­lièrement exposé à la concurrence internationale.

 

Une myriade de taxes

En 2016, les impôts de production versés par les entre­prises se sont élevés à 72 milliards d’euros en France. Hors crédits d’impôts, ils représentent l’équivalent de 3 % du PIB, contre 1,6 % en moyenne en zone euro et 0,4 % en Allemagne. Yves Dubief et Jacques Le Pape relèvent que leur niveau a augmenté de quasi­ment 12 milliards d’euros depuis 2007. Au-delà de son montant, c’est le nombre de taxes et d’assiettes que la fiscalité recouvre qui apparaît atypique. L’assiette sur le chiffre d’affaires (comme pour la C3S) n’existe nulle part ailleurs que dans l’Hexagone où, dans le même temps, la fiscalité de production frappe la masse sala­riale (versement transport), la valeur ajoutée (CVAE), le foncier (CFE, taxe foncière sur le bâti) et les produits (fiscalité énergétique). En 2014, l’Inspection générale des finances avait répertorié l’existence de pas moins de 192 taxes ayant un faible rendement, résultat de l’instauration de quasiment sept taxes chaque année depuis 1998 contre 1,7 les décennies précédentes ! Les déséquilibres sectoriels sont criants. La C3S versée par l’industrie manufacturière représente 23 % du montant de la C3S payée par l’ensemble des entreprises fran­çaises, alors que le poids de ce secteur dans l’économie est de seulement 11,5 %. Le ratio mesuré avec la CFE est du même ordre, 25 %.

 

Le gouvernement diffère ses arbitrages

Les recommandations émises par Messieurs Dubief et Le Pape semblent avoir été prises en compte par le gouvernement. Celui-ci a néanmoins invoqué les mesures adoptées en faveur des entreprises depuis le début du quinquennat pour repousser les arbitrages a minima à 2020. Il faut simplement rappeler que les prélèvements sur les entreprises non financières représentent actuellement 67 % de leur excédent brut d’exploitation, ratio similaire à celui enregistré avant le choc fiscal de 2012. De surcroît, l’abaissement des cotisations sociales prévu en remplacement de la disparition du CICE au début 2019 se traduira par un renchérissement du coût du travail. Le gouvernement a également rappelé les contraintes budgétaires, à l’heure où la France est en passe de sortir de la procé­dure pour déficit excessif ouverte en 2009. Il reste à espérer qu’une baisse des dépenses publiques sera réellement engagée à brève échéance ; le boulet des prélèvements sur la production apparaît en effet de plus en plus difficile à supporter.