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CONJONCTURE INDUSTRIELLE EN EUROPE À L’ÉTÉ 2020

La crise économique a été d’une violence inouïe. Elle succède à une année 2019 déjà marquée par une quasi-récession industrielle à l’échelle mondiale. Nous proposons ici, un tour d’horizon dans les grands pays d’Europe.  Sans chercher à comparer les résultats des uns et des autres, il s’agit d’apprécier l’ampleur du retournement dans le secteur manufacturier à l’aide de quelques indicateurs (production, commerce extérieur, emploi, etc.).

France : forts écarts sectoriels et emballement du crédit

Les enquêtes mensuelles menées par la Banque de France permettent de prendre le pouls de l’économie tricolore à un niveau relativement fin de la nomenclature. Elles témoignent notamment de la forte dispersion des réponses des chefs d’entreprise quant à leur jugement sur l’activité.

En juillet 2020, ceux appartenant aux secteurs de l’agro-alimentaire et de la pharmacie estiment qu’ils ont quasiment retrouvé un niveau de production « normal », à l’opposé, ceux des matériels de transport (automobile et aéronautique) évaluent ce dernier inférieur d’environ un quart à ce qu’il était avant le déclenchement de la crise sanitaire. La production reste inférieure d’au moins 10 % dans toutes les grandes branches de la métallurgie, bien que les carnets de commandes semblent se redresser légèrement.

En regard, les services marchands affichent un déficit d’activité globalement comparable à celui observé dans l’industrie, alors que la construction, très mal en point en avril, a redémarré depuis lors.

Allemagne : Réduction du surplus extérieur

Comme partout, le mois d’avril a également vu les indicateurs se retourner violemment outre-Rhin. Selon l’enquête publiée par Destatis (équivalent de l’Insee) auprès des chefs d’entreprise de plus de 50 salariés du secteur industriel, leur chiffre d’affaires a au total plongé de 44 milliards d’euros en un mois en données brutes, dont près de la moitié est expliquée par l’automobile. En mai et surtout en juin, un rebond s’est manifesté mais la baisse déjà engagée depuis deux ans laisse le chiffre d’affaires à un niveau inférieur de 18 % à son pic précédent.

Selon un sondage publié début juillet auprès de six-cent-quarante membres, la fédération des fabricants de machines-outils, VDMA indiquait que plus de la moitié d’entre eux anticipe une baisse des ventes comprise entre 10 et 30 % cette année. Globalement, une amélioration interviendrait l’an prochain mais à un rythme modéré.

Particulièrement sensible à la demande mondiale, l’économie allemande a vu son excédent extérieur de biens divisé par quatre en un mois. Lors du premier semestre 2020, il est retombé à 77 milliards d’euros en regard de 110 milliards durant la même période de 2019 et de 122 milliards pour celle de 2018.

Le surplus vis-à-vis des membres de la zone euro et de l’Amérique s’est nettement réduit alors qu’il a peu varié vis-à-vis des pays européens non membres de la zone euro (Suisse par exemple) ; de surcroît, le déficit avec l’Asie a quasiment triplé en un an. Au total, le commerce extérieur de biens et services pénaliserait la croissance du PIB à hauteur de 2 à 3 points, après l’avoir déjà pénalisée de 0,5 point lors de chacun des deux derniers exercices. Les seules exportations de marchandises ont retrouvé de l’allant au mois de juin, restant encore à ce stade très éloignées de leurs performances d’il y a six mois ; elles continueraient de progresser à horizon visible en dépit de la remontée du taux de change de l’euro contre dollar, mouvement qui pénalise moins les entreprises allemandes que leurs concurrentes européennes.

Italie : retournement dans les industries de biens d’équipement

Le solde d’opinions des chefs d’entreprise transalpins sur leurs stocks a retrouvé en juin le sommet atteint en 2007. Pendant ce temps, malgré un franc rebond, le volume de la production industrielle s’établissait 14 % en deçà de son niveau du milieu de 2019, recul qui s’établit entre – 5 % dans l’agroalimentaire et l’énergie à – 26 % dans les matériels de transport et le textile. En moyenne annuelle 2020, celui-ci plongerait de près de 16 % selon le consensus des économistes interrogés en août, avant de progresser d’à peine 10 % l’exercice suivant.

L’institut Oxford Economics entrevoit un scénario similaire, ce malgré la chute de près d’un quart attendue pour les biens d’équipement. De leur côté, si elles ont retrouvé de l’allant au mois de juin, les commandes manufacturières restent 12 % en deçà de leur niveau d’un an auparavant, les variations déclinées sur le marché domestique et à l’étranger s’inscrivant sur un tempo assez proche ; la chute était ressortie à quasiment 50 % en avril, alors que la pire performance datait jusque-là du début 2009, à – 34 %. Pour mémoire, selon une enquête dévoilée par l’Istat (Insee italien), 44 % des entreprises industrielles n’ont repris leur activité qu’à partir du 4 mai (le confinement de la population avait été imposé dès le 11 mars), alors qu’environ 20 % ne l’avaient pas interrompue.

Espagne : décrochage de l’investissement

Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, l’appréciation des directeurs d’achat du secteur industriel en Espagne est comparable à celle relevée chez ses voisins : l’indice PMI est tombé à un plus bas inédit d’environ 30 en avril (50), avant de dépasser 50 ces tous derniers mois, seuil suggérant une expansion de l’activité. Celle-ci a même retrouvé son niveau d’avant-crise dans certains secteurs comme celui du ciment mais ce sont bien les résultats des prochains mois qui permettront de juger de la réalité de la reprise, laquelle dépendra de la durée d’écoulement des stocks et plus généralement des carnets de commandes.

À l’heure actuelle, le taux d’utilisation des capacités dans l’industrie demeure encore en retrait de 8 points par rapport au début 2020. À ce stade, les chefs d’entreprise ibériques se distinguent par leur pessimisme sur leurs investissements : interrogés en avril dernier, ceux-ci envisageaient un plongeon de 37 % en volume de leurs dépenses d’équipement pour cette année, selon les chiffres collationnés par la Commission européenne. Ils ont en effet révisé à la baisse plus qu’ailleurs leurs projections, écart qui sera réduit lors des prochaines enquêtes puisque les industriels français, italiens et allemands anticiperont sans doute une contraction de leurs dépenses plus marquée que celle annoncée jusque-là. En 2019 déjà, les investissements auraient reflué sensiblement en Espagne, après plusieurs exercices où ils s’étaient montrés dynamiques.

Royaume-Uni : boulet supplémentaire avec le Brexit

Dans un sondage réalisé lors de la première quinzaine de juillet auprès de cent-soixante-dix chefs d’entreprise industrielle (le cinquième du genre depuis le déclenchement de la crise du Covid-19), la fédération Make UK relevait que, à la mi-juillet, plus de la moitié d’entre eux déclaraient une diminution de leurs commandes ; en regard, le ratio s’était élevé à 83 % fin avril-début mai. Plus de 40 % de l’échantillon n’envisagent pas de retour à la normale avant a minima un an (c’était moins de 20 % courant avril) et 53 % anticipent effectivement de procéder à des licenciements à horizon de six mois (c’était moitié moins courant avril). Ces chiffres préoccupants n’empêchent pas que, dans l’industrie, même durant le pic de l’épidémie, près de neuf entreprises britanniques sur dix ont poursuivi leur activité.

Une autre enquête plus récente menée par l’Office for National Statistics (Insee britannique) auprès de trois mille cinq cents employeurs montre que, au 23 août, dans 57 % des cas les entreprises industrielles affichent un chiffre d’affaires supérieur à leurs charges d’exploitation (il est inférieur dans 11 % des cas) : comme pour l’ensemble de l’économie, entre 35 et 40 % des sociétés du secteur jugent détenir l’équivalent de plus de six mois de trésorerie, tout comme celles déclarant disposer de réserves à moins de six mois (le solde regroupe pour l’essentiel des réponses neutres) ; enfin, 80 % d’entre elles jugent le risque d’insolvabilité faible ou nul.

Pour en savoir plus : Conjoncture industrielle en Europe_septembre 2020