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Allègement de charges : le compte n’y est pas pour l’industrie
Alors que la compétitivité industrielle continue de se dégrader, le projet de budget de l’Etat pour 2019 substitue au CICE un dispositif d’allègements de charges beaucoup moins favorable à l’industrie. Une décision incompréhensible !
Handicapée par le poids des prélèvements obligatoires sur son activité, l’industrie française continue de décrocher.
En témoigne l’aggravation d’année en année du déficit du commerce extérieur : 48 Mds€ en 2016, 63 Mds en 2017, sans doute 65 cette année. En atteste aussi le recul continu de nos parts de marché dans la zone euro, donc vis-à-vis d’économies soumises aux mêmes contraintes de change. Une étude du Trésor annexée au projet de budget pour 2019 donne la mesure du repli de notre industrie : entre 2000 et 2016, la production industrielle a reculé de 3 % en France, tandis qu’elle grimpait de 25 % en Allemagne. Résultat : l’industrie ne représente plus que 10 % du PIB contre
16,5 % au début des années 2000.
Un dispositif moins favorable aux entreprises
Il y a donc urgence à poursuivre et amplifier la politique d’allègements de charges engagée sous le quinquennat précédent, qui visait principalement – suite aux recommandations du rapport Gallois et au travail de conviction de l’UIMM – à améliorer la compétitivité des entreprises industrielles. Ce n’est malheureusement pas le choix que fait le projet de loi de finances pour 2019. Au dispositif précédent cumulant les allègements du Pacte de responsabilité et le CICE, le gouvernement substitue en effet un dispositif d’allègements de cotisations patronales globalement moins favorable aux entreprises et recentré sur les bas salaires, donc bénéficiant
en priorité aux secteurs d’activité peu exposés à la concurrence internationale.
D’abord, le crédit d’impôt équivalent à 6 % de la masse salariale des entreprises comprise entre 1 et 2,5 Smic est remplacé par une réduction de 6 points sur les cotisations maladie des mêmes salaires. En apparence, l’allègement est le même. En réalité, la réduction de cotisations va mécaniquement faire grimper le bénéfice des entreprises et donc alourdir le montant de l’impôt sur les sociétés qu’elles devront acquitter (avec un taux moyen d’IS de 25 %, il aurait fallu une réduction de 8 points des cotisations maladie pour que la mesure soit neutre pour les entreprises). Pour compenser cette hausse de l’IS, le nouveau dispositif prévoit un allègement additionnel de 4 points au niveau du Smic et dégressif jusqu’à 1,6 Smic.
Une politique de Gribouille
L’opération ne sera pas neutre pour les entreprises.
Elles pâtiront – après impôt sur les sociétés – d’un manque à gagner de 3,4 Mds€ en année pleine. Tous les secteurs ne seront pas pénalisés de la même façon. Car le nouveau dispositif est nettement ciblé sur les bas salaires. Le basculement du CICE en allègements de cotisations va accroître de 2,8 % les allègements existants sur les salaires entre 1 et 1,3 Smic, diminuer de 7,4 % les allègements sur les salaires entre 1,3 et 1,6 Smic, et faire chuter de 20,4 % ceux entre 1,6 et 2,5 Smic. Au final, l’industrie qui emploie plus de salariés qualifiés que le reste de l’économie, sera le secteur le plus pénalisé : les entreprises industrielles vont perdre près d’1 Md€ dans l’opération, le montant de leurs allègements de charges baissant de 9,1 Mds à 8,2 Mds€. À l’inverse, l’hôtellerie-restauration, protégée de la concurrence
internationale, ne perdra que 100 M€.
Une fois de plus Bercy, adepte inconditionnel des allègements bas salaires, a imposé son point de vue. Même si cette politique de Gribouille, poursuivie avec acharnement depuis 25 ans, n’a pas favorisé la compétitivité globale de l’économie, ni permis de lutter efficacement contre le chômage.